-
La mort du p'tit cheval ?
Quelle bonheur de retrouver « mes rizières » ! Prendre mon vélo, partir tôt le matin pour manger du chemin, avaler du vert tendre, du vert vétiver, voire du vert dur comme une émeraude de première qualité ! Mon passage dans l'hexagone m'avait privé de ce simple bonheur journalier ! Même l'hiver dernier, j'avais relâché les pédales pour préférer une certaine nonchalance !
Depuis quelques matins, ayant parcouru en étoile autour de Pangkhan toutes les rizières de proximité, fallait recommencer doucement, je remarquais déjà que la récolte du Khao Na Pang était terminé. Les moissonneuses à riz avaient fait le boulot et à
peine la moisson terminée, on laissait quelques
jours les canards itinérants faire le boulot de nettoyage des rizières ! On pouvait donc retourner la terre et préparer les nurseries à riz, petites pousses deviendront grandes et seront repiquées très prochainement dans l’immensité des rizières !
Mais je divague, il y a de quoi devant cette immensité, et le propos de l'article n'est pas là ! Il n'est pas non plus question de ce qu'il a pu advenir de « Stewball », ben oui, celui de Hugues Auffray !
[...]
En revenant de France, à peine la maison remise ne route que
mon voisin se faisait livré un tracteur ! Caché derrière une « haie » de fringues à sécher, mon autre voisin s'était lui aussi équipé d'un Kubota !
Je passais dans la rue de la maison et remarquais que toutes les maisons du MOO 4 avait un tracteur garé dans leurs cours !
Fini le motoculteur ! À la casse le « buffle mécanique » ! À mort, le « p'tit ch'val » ! Enfin pas tout à fait, nombreux se retrouvent désormais, esseulés en bout de rizière, au simple
rang de pompe à eau, afin de transvaser l'eau d'une rizière à l'autre.
Tant va la vie, c'est l'évolution...La modernisation, la mécanisation, la productivité, sont les maîtres-mots d'aujourd'hui, même en ISAN !
Lorsque j'arrivais en ISAN, il y a plus de dix ans, on voyait encore des buffles s'affairer aux labours, et puis petit à petit,
ils ne sont devenus que des bêtes d'ornement que l'on gardait pour les vendre pour leur viande ou simplement par nostalgie, car vous pourrez en parler avec tous les gens
d'ISAN, pas les jeunes-jeunes, mais les autres, tous leurs souvenirs d'enfance sont liés aux buffles ! Enfants, ils partaient la journée entière, garder ces drôles de bêtes têtus et jamais vraiment apprivoisées ! Les gamins se retrouvaient près d'un point d'eau, à l'ombre d'un bosquet et pouvaient faire les bêtises de leur age, loin du regard de leurs parents. Pira Sudham dans « terre de mousson » fait du buffle, un acteur principal de son enfance ! Il y a dix ans, une maison sur deux, ici à Ban Pangkhan, en possédait encore au moins une tête ! Aujourd'hui, on peut les compter sur les doigts de la main. Ceux qui, au village, les emmènent encore à la rizière, sont les derniers nostalgiques d'une époque révolue.
Les buffles sont donc passés au rang du souvenir, leur population ayant été diminuée par plus de 10 ces dernières années, ils sont désormais presque essentiellement devenus des ornements de cartes postales ! Les buffles, à la trappe, on les a
remplacé par des motoculteurs, puis on a commencé à agrandir les parcelles pour cultiver le riz, puis faire deux récoltes grâce à l'aménagement du territoire, c'est-à-dire que l'on a creusé des bassins de rétention d'eau, installé
des pompes gigantesque pour prendre l'eau dans les rivière pour y prendre de l'eau même en temps de pénurie, lors de la saison chaude, par exemple ! Les parcelles de riz se sont agrandies, une deuxième récolte devenait donc nécessaire, c'est bien, peut-être, je ne juge pas, mais pour récolter, il fallait de la main d’œuvre, et si lors de la traditionnelle moisson de novembre, les petites mains de Bangkok s'arrangeaient pour quitter la capitale pour aider ceux restés à la campagne, pour le seconde récolte, celle du Khao Na phang, en mai, il a fallu trouver le moyen de couper le riz, on a donc commencer à utiliser la moissonneuse, et pour les rendre rentable à la location, on a encore agrandit les parcelles, la main d’œuvre s'est petit à petit fait de plus en plus rare, force de constater que les jeunes ne voulaient plus s'enfoncer dans la terre d'argile des rizières, préférant les lumières de Krung Thep, enfin les néons des usines de la capitale ! Le motoculteur se trouvait alors léger pour les taches liés à la rizière. Il ne pouvait pas faire toutes les opérations liés à la culture du riz, alors tous ont commencé à s'équiper de
tracteurs, des petits tracteurs chinois, des Kubota (on dit Koubôtâ), comme des centaines de fourmis couleur orange, ils parsèment désormais la campagne d'ISAN ! Il faut le dire, c'est très cher pour ce que c'est, à crédit ils sont plus chers qu'une bagnole, mais Kubota sait y faire ! « Achetez un tracteur, « free (gratis) », vous recevrez un frigo, une caméra numérique » et j'en passe, on a beau leur dire que rien n'est « free », cela sonne bien dans le quartier ! Donc on s'endette auprès de la banque du riz, la terre ne se repose plus, on enchaîne les récoltes, on bourre d'engrais et de pesticides les terrains, on optimise les terres cultivables, comme ici (on agrandit les passages d'eau sous les routes départementales)
pour que l'eau soit « équitablement » partagée et prévenir des inondations de fin de mousson qui feraient que ce serait une catastrophe pour le paysan s'il perdait sa récolte, il ne pourrait plus rembourser ses investissements, ses terres misent en gage à la banque lui seraient alors confisquées, ils se retrouveraient alors à travailler pour les banques, si ce n'est pas déjà fait !
La pression des investissements est telle que les paysans de l'ISAN sont presque stressés désormais ! Une inondation comme celle de l'année dernière et l'angoisse se fait sentir dans la vie de tous les jours !
Mais Bouddha veille sur la rizière !
Alors, la mort du p'tit ch'val est-elle une réalité ?
En effet, le processus est engagé, les buffles sont devenus des bêtes d'ornement, les motoculteurs, à la casse, les Kubota envahissent la campagne, les fabricants se frottent les mains et les paysans s'endettent pour la nuit des temps, et s'ils ne remboursent pas, les terres reviendront aux propriétaires des banques c'est-à-dire deviendront propriétés des sino thaïs ! La migration des ruraux vers les villes est en route depuis longtemps mais elle va s'accentuer, la culture intensive est là, à quand l'épandage des pesticides et engrais en tous genres à l'aide d'avions ? On n'en est pas encore là, quoique, mais on n'en est pas loin ! La mécanisation et la modernisation des campagnes de l'ISAN sont en route, inéluctable !
N'y voyez aucune nostalgie de ma part dans cet article, juste un état des lieux ! Je ne suis qu'un acteur jouissif de la terre d'ISAN !
Paille Kheundheu !
Tags : france, isan, rizière, culture, tracteur, motoculteur, buffle, mondialisation
-
Commentaires
3STFARMMercredi 30 Mai 2012 à 12:04Superbe analyse de l''evolution''en Isan...
Je frequente les routes d'Isan depuis 1o ans maintenant, les ''show rooms'' Kubota sont partout alors que pour voir les buffalos il faut plutot frequenter les nombreux marches aux bestiaux....
4thierry o3Mercredi 30 Mai 2012 à 16:08salut Jeff ;
ouais la mécanisation à outrance , c'est perdre aussi la solidarité entre les gens ; peut être c'est dur le travail de la terre , mais quel enrichissement à tous les niveaux et c'est quand même s'occuper de notre alimentation et donc de notre bien-être ...
ne parle t-on pas d'activité primaire , alors que c'est le tertiaire qui gouverne !
merci pour les news .
Merci pour votre commentaire, Stef et Thierry, par contre, je dirais que mes voisins continuent à "jouer" ensemble et s'entr'aider lorsque cela est necessaire ! Heureusement d'ailleurs, à defaut de se passer bêtes ou motoculteurs, ils s'échangent pièces & conseils en cas où ! A bientôt !
article très intéressant . MERCI .
La disparition du buffle c 'est la poésie qui fout le camp .
Il est encore très présent au Vietnam .
Quand on ne le connaî pas le buffle est très impressionnant et peut faire peur . C 'est toujours merveilleux de le voir si doux avec les enfants . Son intelligence est remarquable .
Alors : vite un petit tour au Vietnam pour le fréquenter pendant qu ' il est encore temps . Losque les rizières sont pleines d ' eau il n ' est pas rare de voir un paysan faire le sieste ...... sur son buffle .
Encore MERCI
Dédé asie-ah-oui.overblog.com
Bonsoir Dédé,
Il est vrai que cela va très vite en Thaïlande, cela était avec une certaine nonchalance que les changements s'opéraient en ISAN, mais...Enfin, il nous en reste encore un peu tout de même, cela ne court plus les rizières mais nombreux sont ceux encore attachés encore à la bête, heureusement ! Pour notre plaisir et une certaine poésie, comme vous le dites, et puis si un jour ils disparaissent (mais j'en doute), on ira au Vietnam ! On peut d'ailleurs toujours y aller de toute manière, nous sommes voisins, à vol d'oiseau, à peine trois cents kilomètres !
A bientôt !
Jeff des rizières où les buffles résistent encore !
Suivre le flux RSS des commentaires
Ajouter un commentaire
Tu es peut-être un acteur jouissif de la terre d'Isan mais fin observateur. Modernisation, mécanisation, disparition des espèces (buffles)... appauvrissement de la terre et du peuple inévitablement... L'état des faits est magnifiquement bien rapportés dans ton récit & les photos
...