• Asie du Sud : Il y a dix ans... Lorsque le bleu de l'océan devint rouge sang !Il y a dix ans, la tête dans les nuages et encore entouré de vapeurs éthyliques d'un réveillon de Noël qui avait connu des prolongations, je recevais un coup de fil d'un ami. Il était aux environs de 16 heures. Il avait suivi depuis plus de deux mois sa femme sur l'île de Phuket, qui avec son frère s'occupait de superviser la construction de quelques bâtiments. Lui, profitait de l'endroit pour faire ce que fait tout touriste, plage et autres activités ludiques ! Il me parla, d'un ton saccadé, prit d'une panique passagère, mais n'avait-il pas cet ami l'habitude de vite partir en vrille ? Il me décrivit alors une vision d’apocalypse !

    Asie du Sud : Il y a dix ans... Lorsque le bleu de l'océan devint rouge sang !

     
    Voitures sur le toit, jet ski niché dans les balcons à une centaine de mètres du bord de mer, il me parlait du silence, j'écoutais cette divagation... Connaissant le personnage, je me disais qu'il avait encore abusé des bienfaits du dieu Bacchus ! Venant de sa part, rien ne m'étonnait plus ! Il continuait à décrire méthodiquement ce qu'il voyait, parasols et chaises longues au carrefour de routes où la mer n'avait sûrement pas recouvert l'endroit depuis l'ère post-dinosaure, débris de bois, machines à laver, charrettes de vendeurs de somtam ou de soupes épicés en tous genres renversées et disloquées, il était hagard, moi, blasé, je me disais alors qu'il avait vraiment besoin de se faire une bonne diète voire de s'inscrire rapidement aux AA ; ce serait la seule solution, ultime, à ses errements !
    Je continuais de l'écouter et appuyait alors sur la zappette de ma télévision afin de vérifier s'il était devenu fou ou bien... TV5 monde, le journal : Tremblement de terre au large de l'île de Sumatra, quelques dizaines de mort... Un endroit, hélas, où cela était fréquent...

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    Il continuait, entre rire hystérique et pleurs, je faisais alors tourner mon antenne satellitaire vers le réseau de télévision thaïlandais et je commençais alors à comprendre ce qui venait de se passer... La nuit fraîche de l'Isan venait de s'inviter dans la conversation ! Mon ami me dît alors qu'il avait eu la chance d'habiter entre centre ville de Phuket et Patong Beach, j'imaginais l'endroit, une chambre loin de la mer dans un bâtiment communautaire...
    Une cuite et une prise de tête avec sa femme l'avait fait rentrer tard la veille au soir et l'avait fait lever tardivement et à l'entendre, cela l'avait sauvé de ce qui semblait être un Tsunami, dixit les télévisions du monde, un terme que je connaissais mais que j'avais du mal à imaginer concrètement...
    Je pensais alors, les journalistes des diverses télévisions, la plupart privé d'images, annonçaient une hécatombe, de dizaines de morts, les minutes s’égrenant, on arrivait vite à des centaines de victimes ! On ne peut pas imaginer ce que cela a pu être si l'on était pas sur place...
    En Isan, où personne ne se souci vraiment de se qui se passe ailleurs, où lors d'une soirée du mois de décembre tous se préoccupent à rejoindre ses pénates afin de se mettre au lit et se protéger du froid qui pour un occidental n'est alors qu'un moment de fraîcheur à apprécier, personne ne captait ce qui était arrivé, même les « news » du soir commençant à invoquer une catastrophe, Phuket est loin et l'Indonésie est pour la quasi majorité des habitants d'un Ban lambda, une terre inconnue !

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    Regardant ça, entre un air d'Isan et un œil d'occidental à l’affût de la moindre nouvelle de chaînes de télévision spécialisées, je pensais à mon voisin, Hans, qui d'ailleurs deviendra mon ami, parti à Phuket pour les fêtes. Amoureux de nature, lève-tôt, armé de sa canne à pêche en toutes circonstances... Avait-il été balayé par cette vague monstrueuse ? Les heures de «  La catastrophe » coïncidait bien avec ses habitudes... Je tentais un coup de fil ! Rien ! Téléphone coupé, pas de réseau ? Ou bien... Je tentai le coup plusieurs fois, toujours rien... Le portable de sa femme, idem !
    « − Mince alors ! M'écriai-je. »
    Ce qui était une nouvelle, certes attristante, les heures passant, allait-elle me concerner de près ?
    Le lendemain, mon téléphone sonnait et j'entendais la douce voix de Hans avec son accent de suisse allemand des montagnes de Thoune ! Il était parti de l'île depuis le 24, le trop plein de touristes l'ayant fait migrer plus tôt que prévu vers le continent... Soulagé, je me disais que son heure n'avait donc pas sonné...
    Les jours passèrent et au milieu d'un amas de cadavres s'amoncelant sur la plage du sud de l'Asie, la population d'Isan, comme moi d'ailleurs commençaient, même s'ils rient de tout, à comprendre ce qu'il s'était passé. Ils avaient tous dans leur entourage une connaissance, une personne de la famille qui était décédée ou encore disparue et que l'on rechercherait en vain !
    Deux années plus tard, ce n'était alors que lors des jours de commémoration, comme aujourd'hui, que l'on se rappelait de « La Catastrophe »... Pourtant ma voisine, (pour ceux qui la connaissent, la mère de Nono « alias nœud nœud ») découvrait que le père de ses enfants fricotait avec une jeunette de la province. Sans une, ni deux, malgré des tentatives d’arrangements à l'amiable aux grâces du Sage du village, le couple se séparait, lui, retournant dans sa famille au bout de la rue et qui officialisera sa dérive de la quarantaine avec sa jeunette l'année suivante, elle, ne restant pas longtemps non plus sans biscuit ; la femme « bafouée » ne perdant donc pas le nord, allait convolé en juste noce minimale avec son amourette d'enfance, un garçon qui était parti depuis longtemps du village pour habiter dans le sud avec une femme de là-bas et y travailler à long terme.
    Pou Ni Lœu était jardinier dans un grand hôtel sur la cote au nord de Phuket. Sa femme était au cuisine. Son fils était, heureusement, chez sa grand-mère maternelle sur le continent. Heureusement, car la tragédie, il l'a vécu de près et même s'il en parle très peu, à chaque anniversaire de cette date, il met sur l'autel de sa nouvelle demeure une offrande près de la bague en or de sa femme, seul souvenir matériel qu'il lui reste d'une autre vie, d'une vie d'avant le Tsunami. Il taillait les haies lorsque la vague est arrivée. Seul, un cocotier l'a sauvé, sans oublier sa puissance musculaire qui lui a permis d'y rester accrochée pendant de longues heures, à ce qu'il nous a dit, un jour à moi, mes voisins, curieux de savoir ce qui c'était passé, on voulait savoir ce qu'il avait vécu ! Il a bien tenté de tendre les bras vers des farangs et autres pêcheurs qui appelait au secours et qui quelques minutes auparavant baguenaudaient sur la plage et qui à la dérive, ont sûrement terminé englouti par les flots... Il n'a pu les sauver, il a pensé à lui, à sa peau, peut-on lui en vouloir ? Certes, non ! On aurait fait de même, je pense ! Se décrochant de son arbre, il aurait vraisemblablement fait parti de la liste des victimes ou des nombreux disparus comme sa femme qu'il a cherchée pendant des jours dans l'amoncellement des débris des hôtels de luxe de cette plage et d'une végétation sans dessus-dessous ! Pourtant, lui, s'en veut, encore aujourd'hui, il est sans aucun doute encore envahi de ces images cauchemardesques que l'on ne peut imaginer si l'on ne l'a vécu sur place et s'il y a un Dieu qu'il m'en garde, d'ailleurs.
    Mon ami, celui qui fut sauvé par sa gueule de bois alors bénéfique, a pendant longtemps refusé de loger quelques soient les endroits où il se rendait en bord mer, près des cotes... Pourtant, quelques années plus tard, la mer le prendra définitivement sur une plage de Hua Hin parce qu'il l'avait alors décidé... Il ne pourra jamais me dire si « La Catastrophe » fut une des causes de son geste. Peu importe, il est en paix, désormais !
    J'ai donc écrit ce cours récits en souvenir de toutes les victimes de la plus grande catastrophe naturelle de mémoire d'hommes qu'ait connu notre globe ; des villages de pêcheurs du Tamil Nadu à la ville de Banda Aceh sans oublier celles des plages de l'ancienne Ceylan et des cotes de Phang Nga, des grands hôtels comme des villages de pêcheurs si longtemps oubliés.
    Même si je me trouvais loin de l'impact de cette vague tueuse, je me sens encore aujourd'hui épris d'une certaine tristesse, d'une étrange impression.
    J'ai juste voulu rendre un hommage à ceux qui sont partis malgré eux, mais la nature est plus forte que tout me dis-je à chaque fois.
    Juste un hommage à ceux qui cherchent encore leurs disparus et qui ont du mal à faire leur deuil.
    Juste un clin d’œil à ceux, s'ils me lisent, qui ont profité du chaos pour « disparaître » afin de vivre une nouvelle vie, je tiens d'ailleurs à leur souhaiter bonne chance !
    Et pour conclure, à tous ceux qui, concernés de près ou de loin, sentent dans leur cœur cette étrange compression physique qui les poussent comme moi, aujourd'hui, a avoir écrit ces quelques lignes...

    Paille Kheundheu...

    Postscriptum : Pour plus d'informations techniques (Chiffres, cartes etcétéra) sur le Tsunami de 2004 voici un lien : Tsunami 2004

    Les photos publiés autour de ce texte sont celles que j'ai pu prendre lors d'un séjour à Koh Chang dans le Golfe de Thaïlande. Images idylliques de la mer qui peut se montrer carnassière !  Elles n'ont donc rien à voir avec "La Catastrophe", je ne voulais pas en mettre des tonnes... Le net est fourni de ces images chocs, j'ai juste décidé de partager, pour comprendre, cette vidéo évocatrice :

     


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